Artículo publicado en junio de 2019 en el nº 700 de la revista Positif.
À partir de décembre 1976 des millions de couples éphémères s’embrassent à l’écoute d’une chanson, surtout pendant le duo final de guitares entre Don Felder et le nouveau venu Joe Walsh. Cette chanson enregistrée par un groupe de rock californien n’est pourtant pas un hymne douceureux aux amours adolescentes. Elle décrit en 6’30’’ le cauchemar d’un homme hébergé dans un hôtel de luxe d’où il ne pourra s’échapper. À l’époque nul ne prête attention aux paroles de la chanson écrites par Don Henley et Glen Frey qui souhaitent une ouverture pareille à un épisode de Twilight Zone. « We wanted to write the song just like it was a movie. » dira Don Henley, bien des années plus tard, dans un entretien accordé à Cameron Crowe. Et Glen Frey d’ajouter pour NBS que le rythme de la chanson a été dicté par la volonté de trouver un effet de montage cinématographique : «Just one shot to the next… »
En cette deuxième moitié des années soixante-dix personne n’est sensible au potentiel dramatique de la chanson, sauf peut-être un cinéaste dont les filles Anya et Vivian ont entre quinze et vingt ans, et l’aînée Katherina, née du premier mariage de sa femme Christiane, a un peu plus de vingt ans, et toutes trois certainement écoutent ce slow des dizaines de fois sur les ondes ou sur microsillons. Un artiste fait feu de tout bois et ce serait méconnaître le processus créatif que de négliger une chanson sous prétexte qu’elle est commerciale. Beaucoup confondent les influences et les préférences. Qu’un metteur en scène mentionne ses auteurs favoris dans l’espoir que son travail ne sera pas indigne d’eux ne signifie pas pour autant qu’ils aient laissé en lui une empreinte durable, ni même solide. Il peut être influencé par un fragment, plus que par une oeuvre complète, parfois même à son insu, voire par une production de qualité médiocre parce quelle stimule son esprit occupé à créer quelque chose qui dans le meilleur des cas sera considéré une oeuvre d’art.
Il est probable que Stanley Kubrick ait souvent écouté Hotel California en compagnie de ses filles ou l’ait simplement entendu ou subi, selon son degré d’intérêt ou de tolérance. On l’imagine davantage enclin à préférer d’autres répertoires musicaux, mais on ne pouvait alors échapper à la chanson du groupe Eagles. Depuis la sortie du disque il a souvent été dit que l’hôtel mentionné dans la chanson était un centre de désintoxication pour alcooliques et drogués où les traitements de choc infligés aux patients étaient sévères, mais en 1977 personne ne le savait.
Don Henley a affirmé tardivement que la chanson fait allusion à la décadence produite par les excès de sa génération. Trop de plaisirs artificiels, d’argent, de corruption et d’arrogance. Il s’est aussi référé à la perte de l’innocence et à l’envers du rêve américain inscrits dans ce « concept album » publié en 1976 en réponse au bicentenaire de la naissance des États-Unis. Le lyrisme désenchanté de la dernière chanson, The Last Resort, ne laisse aucun doute à ce sujet. Après avoir arraché l’Amérique aux Indiens, « Some rich men came and raped the land » en toute impunité. Dans ce pays que l’on dit être le Paradis : « We satisfy our endless needs and justify our bloody deeds in the name of destiny and in the name of God. »
Hotel California possède un atout majeur : c’est une chanson-film, c’est-à-dire un travelling musical aussi fluide qu’un plan séquence. Et surtout sa succession d’images frappe l’imagination des auditeurs. Fallait-il que les étreintes soient douces pour oublier son avancée vers l’horreur. Est-il possible que Kubrick l’ait écoutée sans visualiser les couloirs labyrinthiques de cet hôtel bâti au coeur du néant où des prisonniers volontaires, hantés par des voix obsédantes, participent à un rituel sanglant ?
La chanson-film règne aujourd’hui encore parce qu’elle condense une histoire concentrée autour d’un protagoniste, plus encore parce dans la mélodie s’incarne ce qu’est au cinéma la mise en scène. Dans le domaine de la musique rock et pop la plupart des chroniqueurs sont fidèles à son schéma, plus ou moins minimaliste, plus ou mélodramatique ou caustique, mais toujours narratif. Il suffit de penser à Lou Reed, Patti Smith, John Lennon, Ray Davies, Elvis Costello, Joni Mitchell, Tom Waits, Suzanne Vega, Neil Young, Bruce Sprinsteen, Paul Simon, John Trudell, Serge Gainsbourg, Richard Thomson ou Morrissey.
La chanson-plan propose l’enchaînement presque abstrait d’une mosaïque de plans, elle renonce à raconter une histoire. Bob Dylan s’y emploie depuis un demi-siècle, Nick Cave, Leonard Cohen, Thom Yorke, Van Morrison, Lhasa de Sela et Townes Van Zandt oscillent entre les deux formes d’écriture, Gérard Manset et Christophe d’abord proches de la chanson-film s’en sont éloignés, Bashung a sauté de plain-pied dans la chanson-plan grâce aux textes écrits par Boris Bergman puis par Jean Fauque. Quant aux interprètes de hip-hop, de rap et de slam, il se délectent de ce cubisme musical.
En 1979, Kubrick contacte Diane Johnson, versée en littérature gothique, après avoir lu son roman The Shadow Knows (1974) et lui suggère d’adapter The Shining (1977), le roman de Stephen King. Au cours de onze semaines d’intense collaboration elle construit aux côtés de Kubrick un scénario qu’elle ne lira jamais. Selon l’universitaire le cinéaste insistait pour donner des fondements psychologiques à l’horreur, et par là même une consistance qui faisait défaut à la plupart des films de genre. D’autre part, il tenait à explorer le domaine des songes pour tracer en pointillés la ligne de partage entre le territoire de la raison et celui du surnaturel.
Les lacunes volontaires du scénario, la disparition déplorée par Diane Johnson de la scène où Jack trouvait un album de coupures de presse à propos d’évènements tragiques survenus dans l’hôtel qui l’aidaient à écrire mais supposait un pacte avec des forces obscures, l’élimination des scènes où était évoquée la violence conjugale subie par Wendy, les contraintes de la production concernant la durée, la suppression de la toute dernière scène quelques jours avant l’exploitation en salles, la photographie des jumelles prise en 1971 par Diane Arbus dont se serait inspiré le réalisateur, la richesse du terreau symbolique ont été analysés dans des milliers de pages et dans des documentaires tels que Room 237 (Rodney Ascher, 2012) qui propose neuf lectures de ce que serait le sens caché du film.
Cela fait de Shining (1980) l’un des films les plus glosés de l’histoire du cinéma par des fétichistes convaincus de trouver la clé d’accès au monde secret de Kubrick. Certains se sont égarés sur des voies ésotériques où l’on attribue à chaque lettre, à chaque nombre, à chaque couleur, à chaque mot, à chaque son, à chaque composition visuelle une signification cachée à l’ensemble des mortels mais enfin révélée à quelques initiés. Ces théories systématisées à l’échelle d’un film sont sans issue, pire encore elles entretiennent l’idée fausse d’un artiste machiavélique méprisant à l’égard de ses spectateurs.
Pour ma part j’opte pour le principe de « La lettre volée ». La nouvelle d’Edgar Poe a suscité les exégèses de prestigieux auteurs, parmi lesquels Marie Bonaparte, André Breton, Paul Valéry et Jacques Lacan. Je me garderai donc d’en donner la moindre interprétation et me limiterai à résumer les faits. À Paris un ministre a dérobé à la reine une lettre afin d’exercer sur elle une pression politique. On dit la lettre volée de la plus haute importance mais son contenu reste inconnu jusqu’à la fin. Après des recherches aussi exhaustives qu’infructueuses le préfet s’adresse à Auguste Dupin réputé pour son esprit analytique et déductif.
« Peut-être est-ce la simplicité même de la chose qui vous induit en erreur » dit celui-ci au fonctionnaire mis en échec par le stratagème du voleur, car il comprend d’emblée que la lettre doit être mise en évidence par le ministre dans son propre bureau. Hélas, le préfet « n’a jamais cru probable ou possible que le ministre eût déposé sa lettre juste sous le nez du monde entier, comme pour mieux empêcher un individu quelconque de l’apercevoir. » ni qu’il « avait eu recours à l’expédient le plus ingénieux du monde, le plus large, qui était de ne pas même essayer de la cacher. »
Après un nouveau mois d’enquêtes frustrantes menées par le préfet aveuglé par ses propres méthodes, l’ami de Dupin se fait recevoir par le ministre, qu’il connaît, et en profite pour fixer son oeil scrutateur sur le moindre détail jusqu’au moment où son regard est attiré par un document : « A la longue, mes yeux, en faisant le tour de la chambre, tombèrent sur un misérable porte-cartes (…) qui avait trois ou quatre compartiments, contenait cinq ou six cartes de visite et une lettre unique. Cette dernière était fortement salie et chiffonnée. Elle était presque déchirée en deux par le milieu, comme si on avait eu d’abord l’intention de la déchirer entièrement, ainsi qu’on fait d’un objet sans valeur ; mais on avait vraisemblablement changé d’idée. » En un mot : « Il était clair pour moi que la lettre avait été retournée comme un gant, repliée et recachetée. » Si la lettre a été pliée c’est qu’en 1844, date à laquelle a été écrit le texte de Poe, l’enveloppe n’était pas en usage. Sur le revers de la lettre cachetée on écrivait l’adresse du destinataire. Ensuite, l’ami de Dupin remplace la lettre par une autre similaire en apparence mais le ministre ignore que son secret a été percé au jour.
De la même manière, Kubrick a froissé les plans de Shining, les as pliés sous nos yeux avec assurance, ou faut-il parler d’audace, puis nous a retournés comme un gant. En quoi l’Hotel California des Eagles peut-il évoquer la façade de la Timberline Lodge située en Orégon et les intérieurs de l’Ahwahnee Hotel érigé dans le parc Yosemite qui ont guidé le metteur en scène dans sa conception de l’hôtel Overlook ? Dans quelle mesure les paroles de la chanson peuvent avoir fortifié l’imagination de Kubrick alors en phase d’écriture de Shining ? Avant de rappeler quelques paroles de la chanson, il faut s’interroger sur la pochette du disque.
Malgré la silhouette des palmiers découpés dans un soleil couchant et les tours blanches surmontées d’un dôme d’aspect oriental le Beverly Hills Hotel de los Angeles est inquiétant. Moins lointain qu’il ne le paraît, blême, entouré d’épaisseurs noires, vidé de figures humaines, en dépit de maigres points de lumière aux fenêtres. Don Henley, chanteur, batteur et leader du groupe, souhaitait le ton légèrement sinistre de la photographie de l’hôtel appelé parfois Pink Palace. C’est une sorte de « ghost ship », pour employer l’expression utilisée par Wendy après avoir visité les immenses cuisines de l’hôtel Overlook aux côtés de Halloran. Oui, l’Hotel California est un bâteau fantôme.
Cette photographie extérieure de l’hôtel nous donne le point de vue d’un voyeur, ce qui renvoie à trois débuts de chapitre du film précédés d’un carton. « A month later » est suivi d’une vue frontale de l’hôtel massif auréolé d’une lumière apaisante, « Tuesday » s’ouvre sur la même vue au crépuscule, après « Saturday » le cadre plus serré étouffe à la nuit tombée l’édifice pris dans une tourmente de neige. Nous avons face à la masse blanche et confuse le point de vue d’un observateur occulte. Cette progression vers l’enfermement claustrophobique correspond au développement du célèbre motif dramatique du tricycle conduit par Danny, d’abord dans l’imposant Colorado Lounge au rez-de-chaussée, puis à l’étage où se trouve la chambre 237 et enfin dans la partie réservée au personnel où l’attendent les jumelles habillées de bleu.
Au dos de la pochette une autre photographie, celle-ci prise au Lido de Hollywood, montre une salle vide bordée d’arches et de fenêtres en ogive, avec au fond la silhouette d’un balayeur. Plus étonnante est la photographie que l’on trouve à l’intérieur de la pochette du disque. On y voit le même décor mais cette fois au moment d’une fête nocturne dont les convives regardent l’objectif de la caméra. Laissons de côté les interprétations sataniques en vogue à l’époque et remarquons qu’immanquablement vient à l’esprit le souvenir du dernier plan du film, c’est-à-dire la photographie en noir et blanc intitulée « Overlook Hotel, July 4th Ball 1921 » au centre de laquelle Jack Torrance en personne arbore un sourire avenant. Ce n’est qu’une coïncidence, mais l’imagination d’un artiste est un foyer parfois sur le point de s’éteindre qu’une étincelle suffit à raviver. Elle est semblable au tison dissimulé par Prométhée dans la tige d’une férule après l’avoir volé au dieux.
Il faut maintenant en venir aux paroles de la chanson. Au commencement il y avait un conducteur contraint par la fatigue et peut-être par l’abus d’alcool et de drogue à s’arrêter dans un hôtel ou passer la nuit. « On a dark desert highway… » évoque ces routes infinies où se dissolvent les frontières géographiques mais aussi morales et mentales. « Up ahead in the distance I saw a shimmering light, my head grew heavy and my sight grew dim, I had to stop for the night.” Dans l’immensité brille un point de lumière, peut-être est-ce un mirage dû à l’épuisement du conducteur.
Sitôt arrivé il est accueilli par une femme mystérieuse munie d’une chandelle qui le précède dans des couloirs d’où proviennent des voix. Il s’étonne : « And I was thinking to myself. This could be Heaven or this could be Hell.» Déjà il se trouve à la croisée des chemins entre le réel balisé et les contrées fantastiques. L’Enfer se tapit derrière le Paradis, comme la belle de la chambre 237 se mue en sorcière de sabbat. Lorsqu’il croit entendre les voix lui souhaiter la bienvenue – il n’en est pas certain – commence le refrain mondialement célèbre : « Welcome to the Hotel California. Such a lovely place. Such a lovely face. » Quel étrange commentaire que ce « such a lovely face ». Est-il convoité sans même le savoir ? Est-il épié mais par qui et comment ? Il est alors indiqué que l’hôtel possède de nombreuses chambres disponibles, c’est-à-dire qu’il est vide, et si il est habité les clients y sont rares.
Puis il accompagne la jeune femme à la « courtyard », que l’on pourrait traduire par cour d’honneur ou cour intérieure, qui rappelle fort la sorte de patio de style espagnol ou colonial aperçu dans la pochette intérieure du disque non moins que la « Gold Room » du film, de proportions certes beaucoup plus vastes et d’un luxe rutilant. Là, de beaux jeunes hommes dansent. « Some dance to remember, some dance to forget. » est-il precisé pour confirmer encore que le personnage pénètre dans un lieu où notre perception temporelle n’a plus cours.
Voilà que l’homme, comme si il était un habitué, dit au Captain « Please bring me my wine », lequel répond « We havent’ had that spirit here since nineteen sixty-nine. » Cela tend à nous laisser croire qu’en dépit des apparences, et même si l’homme n’en est pas conscient, ce n’est pas la première fois qu’il séjourne à l’hôtel California. Est-ce pousser trop loin que de trouver un écho dans les deux scènes ou Jack Torrance rencontre au bar de la « Gold Room » le serveur nommé Lloyd qui le connaît depuis longtemps et indique que, selon les ordres de la direction, il n’a pas à payer ses consommations et qu’il est trop tôt pour savoir qui les lui offre ? Les mots prononcés par Grady induisent aussi l’angoissante possibilité d’une spirale sans fin : il dit à Jack n’être pas le gardien de l’hôtel, que le concierge c’est lui Jack, et qu’il en a toujours été ainsi.
Un peu plus tard la jeune femme dit sans ambages : « We are all just prisoners here, of our own device. » Quel est cet Hotel California dont les hôtes sont des prisonniers consentants prêts à célébrer une « fête » qui n’est autre qu’une mise à mort ? « And in the Master’s chambers, they gathered for the feast. They stab it with their steely knives but they just can’t kill the beast” Au début de Shining, dans la voiture qui les emporte vers l’hôtel Overlook, Wendy demande à Jack si a eu lieu dans la région la “Donner party”. À Danny qui demande de quoi il s’agit son père répond qu’un siècle plus tôt des pionniers bloqués par les neiges ont été poussés à commettre des actes de cannibalisme. Cette trace indélébile de l’horreur qui aimante les vivants vers la folie est implicite dans la bacchanale sanglante de la chanson. Elle l’est également dans le film par deux fois au moins, lorsque Grady dit à Jack dans les toilettes rouges qu’il a dû « corriger » ses deux filles et sa femme qui s’opposait à ce qu’il fasse son « devoir » puis quand Jack, enfermé par Wendy dans la chambre froide, s’entend dire par Grady, invisible derrière la porte ou présent dans son esprit malade, « I, and others, have come to believe that your heart is not in this… That you haven´t the belly for it » Ces paroles sybillines ont la fermeté d’une injonction qui ne peut être ignorée. Sacrifier sa femme et son fils est la double condition imposée à Jack pour être accepté dans une communauté unie dans l’exercice du mal.
« Others », si vague et si bref, peut concerner une secte héritière d’un docteur Mabuse moderne, mais de là à en conclure, comme certains l’ont fait en empruntant d’autres voies, une hantise d’un carnage concentrationnaire il n’y a qu’un pas que je ne franchirai pas. Néanmoins, Diane Johnson a étayé une thèse proche et bien connue, à savoir que Kubrick était préoccupé par l’extermination des peuples indiens. Et chacun se souvient que l’Overlook Hotel est bâti sur les ruines d’un cimetière indien.
Il est improbable que les auteurs de la chanson aient écrit « Master’s chambers » en référence à Fritz Lang, mais tout spectateur de ses films consacrés à Mabuse sait que ses zélateurs appellent « Maître », celui dont la voix les hypnotise pour annihiler leur volonté. Invisible et omniscient est aussi l’esprit puissant qui règne sur les créatures de l’hôtel Overlook. Si la crainte du mal a obsédé Kubrick pendant l’écriture du scénario, et si il a écouté attentivement Hotel California, je serais prêt à parier qu’il s’est souvenu de Lang, ne serait-ce qu’une seconde, une seconde de réminiscence fertile, même si ce souvenir a aussitôt été anesthésié dans un tiroir de sa mémoire.
Le dernier souvenir du protagoniste de la chanson est sa tentative de fuite, mais bien vite on lui fait savoir que : « We are programmed to receive. You can check out any time you like, but you can never leave. » Comme des mâchoires prêtes à broyer les portes se referment, tandis que les guitares de Don Felder et Glen Frey commencent leur envolée virtuose. Le voyageur meurt sans doute sous les coups de lame ou de dents avant que ne se répète une nouvelle fois le cycle terrifiant.
La chanson des Eagles a vraisemblablement rencontré la trajectoire de Kubrick en pleine effervescence créatrice. A-t-elle pu être une source d’inspiration partielle ? Oui. Est-elle une influence directe ? Ce serait trop simple. Un artiste digne de ce nom nage dans des eaux troubles et profondes. Son rôle est d’en extraire une glaise qui peu à peu aura les contours d’une oeuvre. Et son processus de sédimentation demeure un mystère. Bien entendu, je peux me tromper mais j’ai l’intime conviction que l’intuition est une meilleure compagne que l’analyse, si l’on veut bien renoncer à ce que l’on maîtrise, car le savoir entrave souvent la connaissance. Cependant, si mon hypothèse est un jour confirmée par une découverte, les couples s’enlaceront à l’écoute d’Hotel California non plus pour éprouver un frisson amoureux mais pour surmonter l’effroi.